Troisième millénaire
1. Berceuse
Il y eût bien un peu du bleu du ciel pour notre espérance commune, où nous allions ensemble, homme et bêtes de l’homme, où nous irions tous deux, nonchalamment, n’étaient le virus et l’absence.
2. Calamité
Absence-absinthe, fée décatie penchée sur un berceau d’étoiles, voici tes cheveux blancs et voici tes yeux blancs.
Absence à toi-même absente, ivre et qui sonne creux, qu’est-ce au fond de l’étang que ce roi pustuleux et ses tambours muets ?
Nul fruit dans le verger, à la rivière aucun reflet, plus rien sinon, partout, le tien, vampire immarcescible.
3. Feu
Et puis voici le feu dans ta cathédrale, Marie !
Une bouffée de lumières versicolores irradie soudain des rosaces. Les tours gonflent de flammes. Puis quand la flèche en crépitant à son tour s’effondre, un peu d’éternité vient enchanter l’instant.
Les ombres allégres des gargouilles dansent sur le parvis un consternant sabbat d’ailes, de griffes, de volutes et soupirs.
4. Apocalypse
Forêts couchées aux vents, tueries par mes jardins secrets, monts déneigés et les savanes nues – partout Vivant tu croules en un pétillement d’atomes.
Plus transparente encore du froid dont elle s’est dessaisie, voici la femme-ancêtre, Ève ou Lucy, dont Nature procède. Et voici qu’elle s’en vient aujourd’hui pour éteindre nos siècles. Rose des monstres féminins, Rose des vents hurlants, Terre brûlante que les nombres détruisent.
5. Consolation
Cercle parfait qui va de ton âme à ton corps, rondeur de tes seins purs, anneaux ouverts de tes lèvres à l’hymen par les eaux finies du cosmos.
Stabat mater dolorosa; Marie pose tes yeux sur nous, je demande repos.
6. Espérance
Vit encore dans la crypte, tout pouilleux du virus, ce Roi de Rien que plus aucun jeu ne distraie.
Sa Reine est endormie, toute pulvérulente, mais voici les charmeurs de scorpions et chacun sait alors que nous vivrons ensemble, toi qui défait le souffle et nous qui te pensons, petit être sans âme.
Jean-François FRIER
28 avril 2020