L’ADRAQH a participé à la réunion publique d’information sur le projet de zone à trafic limité (ZTL) dans le centre de Paris organisée par la Mairie de Paris Centre mardi 30 avril, dans le cadre de l’enquête publique ouverte du 11 avril au 13 mai.
Parmi les élus, participaient Ariel WEIL, Maire de Paris Centre, David BELLIARD, Adjoint à la Maire de Paris chargé notamment des mobilités, et Florent GIRY, Adjoint au Maire de Paris Centre chargé lui aussi, entre autres, des mobilités.
L’interdiction du transit, pièce maîtresse du dispositif
Une « ZTL » est une zone réservée aux piétons, aux vélos, aux transports en commun, aux taxis et à certaines catégories d’usagers du trafic motorisé.
Dans le cas d’espèce, la pièce maîtresse du dispositif est la suivante : il est prévu que le trafic motorisé de destination reste autorisé pour les usagers qui travaillent, résident ou interviennent dans le périmètre de la zone, tandis que le trafic de transit y sera, au contraire, interdit.
Le périmètre reste à délimiter
Le périmètre du projet de ZTL Paris Centre n’est pas encore définitivement délimité. Dans la capitale, si la compétence de droit commun en matière de police de la circulation et du stationnement appartient à la Maire de Paris, le Préfet de police dispose du pouvoir de réglementer les conditions de circulation sur un certain nombre de sites ou de voies, notamment les axes structurants et ceux empruntés dans le cadre du déclenchement des plans de secours. Du fait de ce partage de compétences de voirie entre la Mairie de Paris et la Préfecture de police, la délimitation définitive du périmètre de la ZTL nécessite un accord des deux autorités. A la date de la réunion publique du 30 avril, cet accord n’avait pas encore été trouvé.
En tout état de cause, le périmètre de la ZTL devrait correspondre a minima au secteur de Paris Centre, c’est-à-dire les quatre arrondissements centraux, soit 10 km de périmètre, 5,4 km² et 131 km de voirie. Les discussions se poursuivent entre Anne HIDALGO et Laurent NUÑEZ sur l’inclusion, ou non, des îles Saint-Louis et de la Cité, ainsi que sur celle des quais hauts de la rive droite. La première le souhaite. Le second ne le souhaite pas. La Préfecture de police de Paris est réticente car elle appréhende une dégradation des conditions de circulation sur le pourtour du périmètre de la ZTL, avec un risque de blocage de carrefours majeurs, ce qui pourrait poser des problèmes pour la circulation d’urgence des services d’incendie, de secours et de sécurité.
Un calendrier de déploiement reporté plusieurs fois
Après plusieurs reports depuis sa première annonce en 2020, la ZTL Paris Centre devrait désormais être mise en œuvre à l’automne 2024, après les Jeux olympiques et paralympiques. Anne HIDALGO aurait préféré une mise en place dès le premier semestre de l’année 2024, avant les Jeux olympiques et paralympiques. Mais Laurent NUÑEZ avait considéré que le dispositif manquait encore de lisibilité, tout particulièrement concernant les modalités de contrôle, et qu’il était donc inopportun de le roder pendant la période de la préparation et de la tenue des Jeux.
Après l’observation d’une première année de « pédagogie », sans verbalisation, des contrôles ponctuels et ciblés devraient permettre de faire respecter les restrictions de circulation.
Un bénéfice relativisé par l’étude d’impact
La Mairie de Paris a fait réaliser une étude d’impact. A l’intérieur du périmètre de la ZTL, elle anticipe une baisse générale du trafic des véhicules motorisés, laquelle entraînerait une baisse de la pollution et du bruit. L’étude chiffre à 30 % la diminution du volume de circulation avenue de l’Opéra, 15 % boulevard de Sébastopol, 11 à 17 % quai Henri IV, 7 à 9 % rue Réaumur. Elle chiffre à 15 % la diminution du niveau de bruit avenue de l’Opéra, 10 % boulevard de Sébastopol, 5 % quai Henri IV. Et à 15 % la diminution de la pollution de l’air avenue de l’Opéra, 15 % boulevard Henri IV, 10 % boulevard de Sébastopol, 7 % quai de l’Hôtel de Ville, 5 % quai Henri IV.
Autrement dit, la mise en place de la ZTL aura certes un effet bénéfique sur la réduction des pollutions atmosphérique et sonore à l’intérieur du périmètre, mais ce bénéfice ne sera guère décisif. L’analyse bénéfice / coût devient même très incertaine si la focale est élargie aux arrondissements qui se trouvent aux abords de la future ZTL, lesquels subiront d’inévitables « effets de bord » – reports de circulation, rallongements des temps de parcours, déplacements des pollutions atmosphérique et sonore, etc.
Quant au potentiel de croissance pour l’activité économique régulièrement mis en avant par la Mairie de Paris Centre, la réunion publique du 11 janvier 2024 sur le commerce à Paris Centre avait souligné combien les bons chiffres globaux du commerce dans le secteur pouvaient cacher des évolutions disparates suivant le type de commerce. La « touristification » de l’activité économique dans le centre de la capitale, que la mise en place de la ZTL pourrait accélérer, aboutit en effet à une uniformisation et à une spécialisation de l’offre commerciale, laquelle s’adresse de plus en plus aux touristes et de moins en moins aux habitants. y compris pour les commerces de proximité et de bouche.
A quand des modalités pratiques opérationnelles ?
Depuis l’origine du projet, la Préfecture de police s’interroge sur le caractère opérationnel des modalités de mise en œuvre de la ZTL, notamment en matière de contrôle de la zone, lequel nécessite de communiquer sur la mesure et d’adapter la signalisation.
Aujourd’hui, elle s’interroge toujours sur ces modalités, notamment pour distinguer les véhicules de transit et les véhicules de destination, pour contrôler les accès à la zone et pour faire fonctionner la ZTL au cours de la première année de « pédagogie » – sans contrôle ponctuel et ciblé pour assurer le respect des restrictions de circulation.
Des réserves et des demandes
Compte tenu de ce qui précède et en l’état du projet, l’ADRAQH est réservée sur la ZTL Paris Centre. L’association partage d’abord les interrogations de la Préfecture de police sur les modalités pratiques de mise en œuvre de la ZTL, lesquelles conditionnent pourtant l’acceptation du projet par l’ensemble des usagers. Elle partage aussi les préoccupations de certains commerçants et habitants de Paris Centre qui appréhendent l’accélération, à leurs dépens, de la touristification de l’activité économique locale. Ils redoutent plus largement la « muséification » de la capitale. A Venise, à Barcelone et ailleurs, l’expérience monte qu’il existe un seuil de tourisme au-delà duquel trop de tourisme tue le tourisme, faisant fuir les habitants et à terme les touristes eux-mêmes, fatigués de se rendre dans des centres villes uniformes et sans âme…
L’ADRAQH relaie ensuite la demande de nombreux habitants de Paris Centre – à commencer par les personnes en situation de handicap, les personnes âgées et les familles – pour faire améliorer dans les meilleurs délais l’accessibilité des transports en commun alternatifs aux véhicules motorisés, y compris dans le centre de la capitale.
L’ADRAQH recommande également que la première année de « pédagogie » soit aussi une année d’expérimentation, de sorte que le projet de ZTL puisse être abandonné dans l’hypothèse où seraient rencontrées des difficultés s’avérant rédhibitoires.
L’ADRAQH pose enfin une question subsidiaire : comment les automobilistes et les conducteurs de deux-roues de Paris Centre sortiraient-ils à leur tour de leur secteur si les arrondissements voisins qui l’entourent décidaient, eux aussi, de devenir des ZTL ?